Nom : Louise Rossiter
Où habitez-vous / travaillez-vous : Je suis à l’origine basée en Écosse, c’est là où j’ai validé ma licence et mon master, et maintenant je suis basée à Leicester pour un Doctorat au centre de recherche en « Music, Technology and Innovation » de la De Montfort University.
Site personnel : www.louiserossiter.com
Transformations favorites :
– Chorus
– Delay
– Filtre
– Granulation
– Panning
– Réverbération
-Transposition
1. Comment décririez-vous le genre de musique que vous faites?
Je compose principalement de la musique acousmatique que je diffuse ensuite sur des haut-parleurs. Mon travail explore souvent les sons d’un lieu particulier, bien que je me sois récemment éloignée de cela, pour explorer le potentiel de différents types de sons individuels.
2. Si vous deviez utiliser les catégories classiques pour décrire votre musique, les quelles est-ce que ce serait?
Électroacoustique
Gestuelle
Paysage Sonore
3. Quels types de sons aimez-vous utiliser quand vous composez?
Cela dépend vraiment du type de pièce que je suis en train de composer, et pourquoi. Par exemple, si j’ai voyagé récemment dans un lieu intéressant où je n’avais jamais été, il est probable que je choisisse des sons que j’ai enregistrés là-bas. Donc par exemple, j’ai récemment terminé une pièce sur Pékin, Xi’an et Chengdu en Chine. Dans cette pièce, j’ai utilisé de nombreux sons, pour différentes raisons — de l’hymne national chinois (parce qu’on ne l’entend pas souvent en Grande-Bretagne) au son des bicyclettes dans les hutongs (les petites rues), à des chants dans les temples, à des appels de pandas, au son d’un instrument ancien appelé « Xun », jouant la mélodie « Auld Lang Syne », qui évidemment m’a interpelée en tant qu’écossaise… Pour les pièces où je souhaite explorer un lieu, j’ai tendance à choisir des sons qui me semblent originaux.
Si je créé une pièce plus abstraite, je cherche des sons qui ont le plus de potentiel pour un travail en studio. Parfois je choisis des sources sonores que je trouve inhabituelles — j’ai composé un jour une pièce qui s’appelle « Black Velvet », construite à partir d’enregistrements de canette de Guinness —, et parfois des sources sonores provenant d’objets qui sont souvent utilisés en musique acousmatique (comme le verre), dans une démarche d’étude de ce que je peux faire différemment, et de comment créer des mondes sonores étranges et merveilleux à partir de ces sons originaux.
4. Pourquoi ces sons sont-ils vos favoris?
Généralement parce qu’ils sont inhabituels, ou qu’ils peuvent être transformés en quelque chose de très inhabituel. Ou encore parce qu’ils me rappellent un endroit en particulier.
5. Qu’est-ce qui fait que ces manipulations sont vos préférées?
Je trouve que ces manipulations me permettent de réellement explorer le potentiel des sons avec lesquels je travaille. Je décrirais ça comme le fait de peler un oignon, en passant par toutes ses différentes couches. C’est la même chose avec les sons.
6. Comment commences-tu une composition ou trouves-tu des idées pour tes compositions? Est-ce que tu emploies la même technique à chaque fois, ou est-ce que ça change régulièrement?
Dernièrement, j’ai remarqué que j’essayais d’aborder consciemment chaque composition avec un angle différent. Cela dépend vraiment de quel but j’ai pour chaque composition. Si c’est une commande, je m’assure évidemment que les idées que j’explore dans la pièce correspondent à la demande, mais parfois je décide aussi d’explorer en détail quelque chose que je n’ai jamais fait auparavant. Par exemple, j’ai terminé une pièce récemment qui explore vraiment le geste, mais aussi la notion d’espace. En tant que compositrice très adepte des textures, ça a été un challenge, et à la fois ça m’a aidée à réaliser comment je pouvais développer et utiliser le geste dans mes pièces.
7. Quels compositeurs/musiciens t’inspirent?
Handel
Debussy
Sibelius
Rachmaninov
Mahler
Arvo Pärt
Jonty Harrison
Pete Stollery
Francis Dhomont
Gilles Gobeil
Francois Bayle
John Young
8. Qu’est-ce qui te plaît le plus dans ces musiques?
J’ai suivi une formation classique. J’ai fait une licence à l’Université d’Aberdeen, où j’étais d’abord une étudiante en piano, alto et percussions, avant de découvrir la composition électroacoustique.
Cela a créé des influences fortes chez moi de compositeurs comme Debussy, Handel, Pärt, Mahler et Sibelius, en particulier. La façon dont ils construisent des paysages à travers l’instrumentation, et leur manière de transmettre une émotion sont incroyables, tout comme la façon dont leurs pièces vous tiennent en haleine tout du long.
En terme de compositeurs électroacoustiques, les raisons varient. Certains, comme Pete Stollery, ont évolué à partir d’une utilisation d’objets sonores très abstraits, dans ses premières pièces, à une focalisation sur les sons de notre environnement quotidien, et le fait de donner aux sons qui pourraient être ignorés « en passant » une autre portée. La pièce « Klang » de Jonty Harrison a été une des premières pièces électroacoustiques que j’ai entendues pendant ma licence. J’ai appris à l’apprécier, et elle a continué à m’influencer depuis. Il a aussi composé des pièces qui comprennent plus de 70 haut-parleurs à la fois — ce qui est effrayant. Malgré les complexités induites, il a quand-même réussi à la produire !
Francis Dhomont et Francois Bayle sont vraiment deux pionniers du genre, et sont aussi très inspirants. Ils semblent tous deux avoir la capacité de présenter un son, et de le transformer immédiatement en un monde sonore contrastant et captivant.
La musique de Gilles Gobeil m’a également toujours fascinée, parce qu’elle se concentre sur des sons mécaniques. Je reconnais souvent des sons identiques d’une de ses pièce à une autre, mais je ne sens jamais que je m’ennuie ! Son travail est très gestuel, et est très agréable à interpréter aussi sur haut-parleurs.
La musique de John Young est aussi hypnotisante. Comme d’autres compositeurs, il y a toujours certains sons qui vous donnent des indices particuliers sur eux, mais l’une des choses qui me fascinent c’est la façon dont Young travaille le geste, le pitch et le matériau sonore. J’ai souvent l’impression d’écouter une pièce sur 8 haut-parleurs alors qu’il n’y en a que 2.
9. Pouvez-vous choisir un court passage d’une de vos pièces et expliquer comment vous l’avez créé?
« Black Velvet » (2010) est une pièce très sombre que j’ai écrite à la fin de ma licence à l’Université d’Aberdeen. C’est via cette pièce que j’ai commencé à découvrir ma propre « voix compositionnelle », et elle a joué un rôle de tremplin pour de nombreuses pièces que j’ai composées depuis. On m’a également proposé d’interpréter la pièce sur le dispositif BEAST (un très large système de haut-parleurs) devant des personnalités telles que Jonty Harrison, Pete Stollery et Adrian Moore, chose que je suis très fière d’avoir faite !
« Black Velvet » est créée à partir d’une canette de Guinness et de sa languette qui produit ses sons de base. Une des choses que je fais toujours est d’improviser avec mes sources sonores au stage de l’enregistrement. J’ai donc enregistré l’ouverture de la canette, le gaz qui s’en échappe, le fait de verser le liquide, les cliquetis de la canette avec la languette à l’intérieur, et enfin le pliage de la canette.
Ensuite, j’improvise à nouveau avec les sons dans ProTools, en utilisant différents processus et transformations, jusqu’à créer des nouveaux sons qui me plaisent.
10. Qu’essayez-vous de transmettre à l’auditeur dans cet extrait?
Dans « Black Velvet », je voulais construire un monde sonore qu’on pourrait entendre dans une énorme usine. Il y a une pulsation constante au début de la pièce, qui pourrait imiter une machinerie (une influence directe de Gobeil probablement). L’animation est créée par la construction progressive de la tension : le souffle des « machines » s’accélère jusqu’à ce qu’il ne puisse plus être maintenu, et tout explose très soudainement.
11. Si vous deviez donner des conseils généraux à quelqu’un qui commence à composer une pièce, quels seraient-ils? Quelle est la chose la plus importante à garder à l’esprit pour composer?
1. Un bon choix de matériaux sonores…
Je garde toujours mes oreilles ouvertes et attentives à des objets sonores neufs et intéressants — des choses qui ne sont peut-être pas entendues couramment dans la musique acousmatique.
2. Jouez !
Je pense personnellement que le jeu est une part cruciale du processus de composition. Improvisez avec vos objets sonores — faites des choses que vous ne feriez pas normalement et cherchez-y tous les sons concevables que vous pouvez ! Vous serez souvent surpris des sons qui en résultent. Sortez des sentiers battus. Enregistrez toutes vos improvisations. Je trouve que cette étape de la composition ressemble à un oignon : enlever les couches pour révéler des sons qui pourront être utilisés plus tard.
3. L’écoute…
Ma prochaine étape est d’écouter ce que je viens d’enregistrer — dans une pièce fermée sans distractions… pour une écoute réduite. Je coupe tous les déchets (clics, etc) et je prends des notes sur les propriétés des sons. Sont-ils gestuels? Qu’est-ce qu’ils me rappellent? Etc. Ensuite, je commence à éditer les fragments de sons que je veux utiliser. Je suis très exigeante. Typiquement, je peux enregistrer une à deux heures de matériaux sonores et en utiliser finalement 5 minutes dans ma pièce finale. En revanche je ne jette jamais rien définitivement.
4. Composez !
Improvisez avec différents logiciels et plugins — c’est la même idée de recherche, mais cette fois avec des plugins et des transformations. Écrivez tout noir sur blanc — c’est crucial. Superposez des effets, changez des réglages en temps réel, faites des choses folles que vous ne rêveriez même pas d’essayer en temps normal… Tout ça peut produire des résultats très intéressants.
5. TOUJOURS… tenez un journal de composition. Vous ne savez pas quand vous voudrez retrouver cette fameuse recette d’un son génial créé 3 ans plus tôt.
6. Écoute (2e partie)… Écoutez avec quelqu’un d’autre dans le studio et apprenez à être critique avec votre travail. Ne laissez JAMAIS d’éléments dans vos pièces si vous pensez qu’ils ne fonctionnent pas.
7. L’« étiquette » du studio… Travaillez proprement… Comme si vous cuisiniez chez vous. Nommez tous vos sons et notez-les dans votre journal. Ça évite des cauchemars des heures plus tard.
8. Si vous êtes bloqué…
a. Ne JAMAIS jeter le travail : mettez-le de côté et faites autre chose.
b. Écoutez des tonnes d’autres pièces d’autres compositeurs. Ils peuvent vous inspirer et vous en apprendre beaucoup sans que vous ne vous mettiez à sonner comme eux.